« Nous sommes mariés sous le régime de la séparation de biens. Pour mieux protéger ma femme, qui ne travaille pas et n’a pas de patrimoine personnel, j’envisage d’acheter un appartement à son nom. » L’idée
L’époux le plus fortuné vire sur le compte bancaire de l’autre (ou sur le compte joint) le prix du logement ou, plus souvent, une partie de celui-ci.
Les deux conjoints l’achèteront ainsi officiellement en indivision, moitié/moitié en général.
Plus subtilement, le logement peut aussi, par exemple, être financé par un crédit souscrit à deux, mais en pratique remboursé par un seul des époux, à partir de leur compte joint.
Des solutions auxquelles songent aussi souvent les concubins soucieux de se protéger mutuellement.
• Les risques
L’acquisition est réalisée grâce à un don manuel qui n’est pas déclaré à l’administration fiscale.
Celle-ci peut s’étonner de voir un contribuable sans activité professionnelle (ou doté de revenus modestes) avoir les moyens de financer un tel achat.
Elle supposera qu’il a dissimulé certains revenus et le menacera d’un redressement fiscal. Pour y échapper, il faudra dévoiler le don manuel qui sera alors soumis aux droits de donation.
Et si l’administration ne s’aperçoit de rien ? Le problème resurgira au décès du donateur. La part de ses biens qui revient de droit aux héritiers réservataires (la réserve) est en effet calculée en tenant compte aussi des biens donnés dans le passé.
Les enfants insisteront donc pour que ce don manuel n’échappe pas à la règle. Cela obligera à le révéler à l’administration, qui le taxera.
En outre, si le don excède la quotité disponible et porte atteinte à la réserve des enfants, l’époux – ou le concubin – qui en a bénéficié devra leur en restituer une partie.
• Les solutions
Déclarez le don manuel immédiatement. Les droits à régler ne sont pas toujours dissuasifs, compte tenu de l’abattement entre époux (76 000 €) et des réductions accordées sur les droits de donation, y compris entre concubins (2).
Cela clarifie la situation sur le plan fiscal. Mais n’empêche pas les enfants d’avoir droit au moins à leur réserve.
L’aide apportée au conjoint doit donc rester d’un montant raisonnable par rapport à l’ensemble de votre patrimoine.
Autre piste, les époux ou concubins qui ont sensiblement le même âge peuvent prévoir dans l’acte d’acquisition une clause de « tontine » sur le bien qu’ils achètent ensemble, même dans des proportions inégales (80 % pour l’un, 20 % pour l’autre, par exemple).
Au décès du premier d’entre eux, le survivant deviendra seul propriétaire du bien, sans rien devoir aux autres héritiers, même si cela dépasse la quotité disponible.
Il y aura cependant des droits de succession à régler, excepté s’il s’agit de la résidence principale du couple et que sa valeur est inférieure à 76 000 € au moment du premier décès.
Cette solution a toutefois certains inconvénients. En particulier, les biens qui font l’objet d’une tontine ne peuvent être vendus qu’avec l’accord des deux propriétaires.
(1) Me Michaël Dadoit est notaire à Rodez ; Me Bernard Monassier est notaire à Paris
(2) Pour les donations en pleine propriété réalisées d’ici au 31 décembre 2005, l’impôt à payer est par exemple réduit de 50 %, quel que soit l’âge du donateur.