La dégradation des conditions de travail et l’inadaptation des postes aux travailleurs seniors empêchent le maintien en activité.
De la pression au harcèlement
Travail en flux tendu, augmentation de la pression du client, absence de transfert d’information entre équipes, « les gens travaillent en permanence sur le mode du chirurgien ou du pompier, alors qu’il n’y a ni urgence vitale, ni incendie », précise un médecin du travail.
Les soupapes de sécurité sont de plus en plus serrées : la sous-traitance a fait disparaître les postes « doux », qui permettaient un reclassement intraprofessionnel, les arrêts de travail sont de plus en plus encadrés… La tentation est grande de pousser à la démission ces travailleurs de plus de 50 ans « qui coûtent cher, ne parlent pas bien l’anglais, et que la loi interdit de licencier ».
Résultat : un tiers des salariés de plus de 50 ans estiment travailler sous forte contrainte de temps, expliquant l’explosion des troubles musculo-squelettiques, du harcèlement… et un triplement de la consommation de psychotropes, comme l’a démontré le Dr Claude Buisset, médecin du travail auprès d’un groupe d’employées de bureau à Haubourdin, dans le Nord.
• Le goût du travail bien fait
Plus qu’un autre, un travailleur expérimenté supporte mal de bâcler son travail, vécu comme la négation des atouts de l’expérience. Secrétaire depuis l’âge de 17 ans, Marie-Anne était « dans tous les secrets ». Aujourd’hui, à 61 ans, « mais encore deux années à tenir pour ses trimestres », elle n’a rien à faire d’autre que préparer les salles de réunion et mettre de l’eau dans la machine à café. Insupportable.
« Le travailleur âgé a le goût du travail bien fait, une bonne insertion dans le milieu collectif, sa productivité n’est pas si mauvaise… C’est sa réticence à changer qui lui est reprochée », remarque Serge Volkoff, ergonome et sociologue. Son idée phare : réussir à aménager le travail pour le rendre soutenable, non seulement par un aménagement ergonomique, mais surtout par l’assouplissement de la pression temporelle.
Car, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce ne sont ni l’arthrose, ni les horaires de nuit qui motivent l’envie de devancer l’âge de la retraite, mais… l’absence de sens dans le travail. « Quand il ne permet pas d’apprendre, ou qu’il n’est pas possible de faire un travail de qualité, la probabilité de se sentir incapable d’occuper son emploi jusqu’à la retraite est doublée », pointe Anne-Françoise Molinié, démographe, dans l’enquête Visat (Vieillissement, santé et travail).