La soixantaine est un âge charnière : on peut voir apparaître des soucis de santé, les enfants prennent leur autonomie, la vie professionnelle s’interrompt…
Le phénomène en question
Peut-on parler de «crise», comme on parle de «crise du milieu de vie» à la quarantaine, par exemple? Les spécialistes manquent encore d’éléments pour l’affirmer. Ils sont dans la phase d’observation. Il faut rappeler que nous vivons un phénomène totalement nouveau dans l’Histoire. Les progrès de la médecine, de l’hygiène, de la diététique sont tels qu’avoir 60 ans en 2002 n’a plus rien de commun avec avoir 60 en 1970, voire 1980.
C’est une véritable révolution, dont on commence à peine à prendre la mesure. À 60 ans, aujourd’hui, on a encore entre 25 et 30 ans à vivre, et on a des problèmes que l’on aurait eus à 40 ans à une autre époque. il nous paraît normal que des hommes de cet âge aient parfois de très jeunes enfants, que des couples se remettent en question, que des femmes songent à «refaire leur vie».
Mais tout cela était impensable, il n’y a pas si longtemps. Faute de modèle établi, les sexagénaires ne se sentent pas toujours à l’aise, ils se cherchent des repères, tâtonnent, tentent des ajustements…
Comment cette crise affecte-t-elle la mémoire ?
En fait, plus que la crise de la soixantaine, il faudrait parler de crise du départ à la retraite! Il arrive fréquemment que quelqu’un construise son équilibre personnel autour de son seul univers professionnel. En conférant un statut social ou familial, le métier masque les autres difficultés.
A l’heure du départ à la retraite, tout peut s’écrouler. Tel ancien cadre d’entreprise, auparavant très entouré et sollicité, a la sensation de se retrouver seul, de ne plus être reconnu. Les femmes qui ont travaillé toute leur vie commencent à exprimer le même malaise : elles supportent mal de se retrouver «coincées derrière leur fourneaux»…
Dans cette optique, le trouble de mémoire apparaît comme un symptôme de la crise. Un jour, par exemple, un animateur de groupe mémoire voit se présenter un ancien avocat : après examen, son médecin lui a suggéré le centre, explique-t-il, parce qu’à 68 ans, il a des «trous faramineux». Quand sont-ils apparus? Après son passage à la retraite. N’étant pas tenu de s’arrêter de travailler à un âge donné, il a cessé ses activités à la mort de sa mère, 3 mois auparavant : voilà une double rupture assez douloureuse pour expliquer ses soucis de mémoire.